Corneille
Itinéraire d'un marchand de rêve
Avec son premier album "Parce qu'on vient de loin", Corneille a connu un succès presque immédiat en touchant un large public, sensible à son talent mais aussi à son histoire : celle d'un rescapé de la guerre au Rwanda devenu aujourd'hui citoyen canadien.
Corneille Nyungura naît le 24 mars 1977 dans la ville de Fribourg en Allemagne où ses parents faisaient leurs études. Dès son plus jeune âge, l'enfant retrouve ses racines au Rwanda où il passe toute son enfance. La musique le passionne très tôt, attiré par les géants de la musique noire américaine (Prince, Marvin Gaye, Stevie Wonder) et les valeurs sûres de la chanson française qu'écoutent ses parents (Brassens, Aznavour, Brel).
En 1993, l'adolescent de seize ans enregistre ses premières compositions dans un studio de Kigali et remporte peu après le prix Découvertes organisé par la télévision nationale. Quelques mois plus tard, son destin bascule dans l'horreur quand, en avril 1994, un groupe armé entre dans la maison familiale et décime toute sa famille, son père Tutsi, sa mère Hutu, ses frères et sours. Il ne doit son salut qu'à un canapé derrière lequel il a trouvé refuge avant l'irruption des soldats.
À l'issue de ce massacre, il s'enfuit vers le Zaïre (devenu la République démocratique du Congo) qu'il atteint après des jours de marche sur les routes de l'exode. Il réussit à prendre contact avec un couple d'Allemands, amis de ses parents, qui devient sa famille d'adoption en lui offrant l'hospitalité en Europe.
Des Mille Collines à la Belle Province
En 1997, il décide de tenter sa chance au Canada. Il entreprend des études de communication à Montréal, avant de revenir à ses premières amours, la musique. Avec deux amis originaires d'Haïti, il fonde O.N.E., un groupe de R&B qui connaît un franc succès sur les ondes québécoises avec le titre "Zoukin'". Ils assurent les premières parties de nombreux spectacles parmi lesquels celui d'Isabelle Boulay.
En 2001, Corneille décide de se lancer en solo en prenant le temps de préparer son premier album. Parallèlement, il est invité à participer à plusieurs projets : il compose et écrit le titre "Ce soir" pour la compilation "Cocktail R&B 2002", ainsi que "Si seulement on s'aimait" pour l'album "Hip Hop Folies". Il se familiarise avec la scène, au Québec puis en France, où il se fait remarquer aux Francofolies de La Rochelle en juillet 2002. En octobre, invité par Dave Stewart (ancien membre du duo Eurythmics), il se produit au Réservoir à Paris aux côtés d'une de ses idoles, Jimmy Cliff, et connaît un premier succès en France grâce au simple "Avec classe".
Au même moment sort au Québec son album "Parce qu'on vient de loin" dans lequel le jeune artiste évoque largement son passé. Le public français découvre le disque au début de l'année suivante. La chanson "Ensemble" parvient à sa hisser à la 39e place du classement des ventes de simples, mais c'est véritablement en 2004 que le chanteur devient très populaire. Les tubes "Parce qu'on vient de loin" et "Seul au monde" ont aussi un impact sur les ventes de l'album qui s'écoule à plus de 300.000 exemplaires. Entre temps, le chanteur a fait la première partie de l'Américain Cunnie Williams en janvier 2003, enregistré "Laissez-nous vivre" pour la bande originale du film "Taxi 3" et effectué un grand nombre de concerts en France.
Porte-parole de la Croix-Rouge
En février 2004, il est nommé aux Victoires de la musique dans deux catégories : "groupe ou artiste révélation de l'année 2003" et "meilleur album de l'année 2003". Entre juillet et septembre, il se produit dans de nombreux festivals. Programmé au Nice Jazz festival, aux Francofolies de La Rochelle, de Spa et de Montréal, il joue aussi sur l'île de La Réunion devant un public dans lequel a pris place Bernadette Chirac, femme du chef de l'État français. En octobre 2004, il occupe deux soirs de suite le Zénith de Paris. Quelques semaines plus tard, sur l'album "Dix ans ensemble" enregistré par le collectif d'artistes Ensemble contre le sida, il chante en duo avec Youssou N'Dour. En novembre, il reçoit le Félix de l'interprète masculin de l'année au Québec et devient citoyen canadien, lors d'une cérémonie à la Citadelle de Québec.
Corneille devient porte-parole de la Croix-Rouge canadienne pour dénoncer la problématique des enfants-soldats, victimes des conflits en Sierra Leone, en Colombie ou au Sri Lanka. Depuis le drame qui l'a touché si directement au Rwanda, le chanteur n'est jamais retourné dans le pays où il a grandi. Pourtant, il rêve d'organiser un jour un grand concert de réconciliation et d'espoir au stade de Kigali.
Nommé ambassadeur de l'Unicef pour la campagne "Unissons-nous pour les enfants, contre le sida", l'artiste revient en Afrique pour la première fois depuis presque dix ans et participe au concert Africa Live en mars 2005, un événement organisé par Youssou N'Dour à Dakar pour aider la lutte contre le paludisme. Revoir l'Afrique ravive en lui des émotions enfouies ainsi que l'envie de rendre hommage à ce continent et surtout à ses hommes et à ses femmes.
Deuxième album
C'est un Corneille apaisé, ayant renoué avec ses racines pour mieux aller de l'avant, qui revient en novembre 2005 avec un deuxième album intitulé "Les marchands de rêves". Car c'est ainsi qu'il voit désormais sa vocation : donner du rêve aux jeunes, et plus particulièrement aux jeunes d'Afrique et d'ailleurs, qui n'ont plus rien à espérer. L'album, à la différence du premier est beaucoup plus acoustique. Composé autour d'une guitare et de percussions, la plupart des morceaux on été par la suite étoffés d'arrangements aux influences africaines et afro-américaines : n'dombolo, afrobeat, zouk, reggae, soul. Corneille pose sa voix de velours sur ses compositions pour chanter les femmes, toutes les femmes (le titre "Dieu est une femme" en est la meilleure illustration), qu'elles soient mères, soeurs ("Petite soeur") ou amantes, celles-ci sont omniprésentes sur l'album. Dans un autre registre, l'artiste rend hommage à sa famille disparue ("Reposez en paix"), mais aussi n'hésite pas à confier ses doutes et ses émotions sans détour dans "Sur la tombe de mes gens". Corneille apparaît de plus en plus comme un artiste abouti.
Novembre 2005